Les choses qu’on n’écrit pas sur Facebook

Crédit photo : Mich Mutters

On a souvent l’impression de le voir sur Facebook et Instagram, entre deux visages trop léchés par les filtres et les 200 poses ayant été nécessaires à l’étalement du bonheur virtuel. On a l’impression de le regarder, l’amour parfait, alors que bien souvent, on ne regarde que ce que les autres ont choisi de nous montrer. Ce qu’ils ne nous diront pas, c’est que ça leur a pris une heure avant d’obtenir la pupille qui scintille assez sur la dernière photo qu’ils viennent de publier.

On prend tous nos beaux moments en photo. Notre déjeuner à l’Avenue, parce qu’on est cool comme ça. Les livres brand new usagés qu’on a dénichés à la librairie Henri-Julien, parce qu’on est cool comme ça. Nos pique-niques au Parc Laurier et nos smoothies super santé, notre nouvelle table faite en bois de palettes et nos verres d’alcool super huppés dégustés au Big in Japan. Ce qu’on ne dira pas, c’est qu’on a attendu 1h30 en file – dans le froid de l’hiver – devant la porte de l’établissement avant qu’on daigne nous assigner une place.

On a l’air parfaits. C’est pas mêlant, si on se regardait de l’extérieur, on voudrait être nous. Mais pendant ce temps-là…

Ce qu’on n’écrit pas dans un tweet de 140 caractères ou dans un statut trop long, ce sont les moments laids. Parce que c’pas vrai qu’on «feel toujours happy» comme dans la chanson de Véronique Dicaire en présence de l’autre. Parfois c’est sale, très sale. Autant que nos ongles quand on joue dans les fleurs au printemps. C’est agréable, mais ça peut salir sur un moyen temps. Et souvent, au moment où on s’y attend le moins. Mais ça, on va le garder pour nous. On le dira pas, qu’on a l’impression d’être l’incarnation d’une chanson du groupe The Used depuis une semaine.

Parfois, on ne le dira même pas à nos ami.e.s, question d’être la personne pour qui tout va toujours bien. Quand t’en parles pas, c’est un peu comme si ça n’existait pas. La course au bonheur est tellement importante ; on ne veut pas être celui ou celle qui vit un moment poche ; celui ou celle qui trébuche devant le fil d’arrivée. Il y a une espèce de lutte entre les bonheurs, hen. C’est à savoir qui vivra le plus grand et le plus pur. C’est bien rare qu’on va prendre des photos de nos larmes ou qu’on va enregistrer nos engueulades pour les publier sur Facebook. On les garde pour nous, ces moments-là. Et tant mieux. Ce serait un peu «malaisant» pour les autres dans le cas contraire. Mais ça biaise nos perceptions.

Durant ce temps, on base nos idéaux de l’amour conjugué au plus-que-parfait sur quelque chose qui n’existe pas, ou du moins, qui n’est démonté qu’en partie. Et quand on rencontre quelqu’un, on le quitte au premier nuage, car le soleil semble toujours briller sur les photos de Sandy et Marc et nous aussi on veut une vie dans laquelle le soleil flamboie tout le temps. Mais ce qu’on ne sait pas, c’est que Sandy et Marc sont passés au travers plusieurs orages. Ils n’ont juste pas cru bon les prendre en photo. 

On ne discute pas de nos bobos et de nos gales qui poussent difficilement. On ne dira pas qu’on passe nos nuits à se gratter d’inconfort ces temps-ci. On va attendre que ça passe pour pouvoir exposer notre amour à nouveau deux semaines plus tard. Pendant ce temps-là, les autres ne savent pas. Et la seule chose qu’ils verront, dans 14 jours, sera à quel point on est beaux et à quel point on a toujours l’air de revenir d’une semaine de vacances tellement on sourit avec les dents en disant que tout va bien.

Tout ça pour dire que c’est vrai que l’amour est beau, vraiment beau. Mais la vraie beauté n’est pas celle qu’on voie au travers nos écrans en se rendant à l’école ou en revenant du travail. C’est celle qui se cache derrière tout ça. Celle qui se trouve derrière des trahisons, des déceptions, des excuses et des pardons dont nous ne sommes pas témoins. Jamais. C’est celle que seules les personnes concernées connaissent. Ceux qui savent qu’ils ont fait le choix de ne pas se choker aux détours des évènements. Mais on n’est pas au courant de ces choses-là.  

Malgré les apparences, ce n’est jamais l’été tout le temps. Il y en a, des hivers longs. Il faut parfois couper de l’épinette longtemps avant de voir les fleurs pousser. On le sait. Mais paradoxalement, la seule chose que les autres voient, c’est le champ de fleurs qui semble toujours avoir été. On ne peut pas les blâmer. On a dû leur montrer cent images de ce champ-là et aucune des arbres qui piquent. On est tous un peu responsable de ce leurre collectif, de cette idée travestie qu’est «l’amour parfait». On manque peut-être tous un peu d’honnêteté dans cette histoire, qui sait. 

L’amour, ce n’est pas une partie constante de serpentins et de confettis. Ce n’est pas toujours avoir le coeur qui palpite pour l’autre comme si tu venais de voir quelqu’un sortir de ton gâteau d’anniversaire. C’est loin d’être toujours esthétique et glamour. Il y a des remises en question, des moments où tu ne sais pas, où tu ne sais plus. Des jours où garder le cap est difficile, où t’aurais juste envie de t’enfuir devant le vent qui menace de se transformer en ouragan ; des jours où tu fais tout de même le choix d’affronter les tempêtes en silence. Mais ça, on ne te le dira pas. 

4 réflexions sur “Les choses qu’on n’écrit pas sur Facebook

  1. J’adore votre texte. Une belle réflexion. Qui se distingue de toutes les inepties qu’on trouve dans les médias sociaux. Faudrait bien un jour cesser de se regarder le nombril en public.

    Dans certains pays, dire ce qu’on pense sur Facebook peut même être dangereux… même mortel. Ça non plus, on n’en parle pas, même chez-nous… et surtout pas aux nouvelles.

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